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Anna Colin Lebedev, Jamais frères? Ukraine et Russie, une tragédie postsoviétique, Editions du Seuil, 2022

« Nous ne serons jamais frères ; ni de même patrie, ni de même mère. » Tels sont les mots adressés par la poétesse ukrainienne Anastasia Dmitruk au peuple russe en 2014, miroir inversé des discours récents de Vladimir Poutine qui ne cesse de souligner au contraire l’identité commune entre les deux pays.
S’appuyant sur son expérience de terrain en Russie et en Ukraine, Anna Colin Lebedev retrace les trajectoires de ces deux sociétés pendant les années postsoviétiques. Si l’époque soviétique a créé une proximité forte entre les deux sociétés, leur passé n’est pas complètement commun, et les différences n’ont cessé de s’approfondir au cours des trente dernières années. À partir de 2014, l’annexion de la Crimée et la guerre dans le Donbass ont conduit à une rupture entre Russes et Ukrainiens qui ont cessé d’avoir la même vision d’un destin partagé. Et c’est un gouffre qui semble depuis février 2022 se creuser entre les deux peuples, alors que l’agression armée de l’Ukraine par la Russie les a fait basculer dans l’horreur d’un conflit meurtrier.
Aucun livre ne suffira à combler ce gouffre et à panser l’immense blessure de la guerre. Ce texte se veut cependant un pas dans une direction essentielle : ne pas renoncer à connaître et comprendre l’autre.


Anna Colin Lebedev, Le coeur politique des mères. Analyse du mouvement des mères de soldats en Russie, Editions de l’EHESS, 2013

Dans la société russe postsoviétique marquée par la faiblesse de l’engagement associatif et de l’action collective, le mouvement des mères de soldats fait figure d’exception. Que nous révèle le quotidien de cette association des formes d’engagement, en Russie comme ailleurs ?

Le Comité des mères de soldats de Russie défend les droits des conscrits et de leurs familles. Dans une société russe dont on a souvent critiqué la passivité, il apparaît, depuis sa création, en 1989, comme un lieu de résistance active face à l’arbitraire de l’armée et de la puissance publique.

Ce livre se nourrit d’un travail de terrain au sein de cette organisation, aux côtés de ces femmes modestes confrontées à la machine militaire et apprenant à s’y opposer. L’analyse des lettres d’appel à l’aide adressées au Comité des mères de
soldats permet de prendre la mesure de la détresse de ces jeunes gens et de leurs familles, malmenés par l’armée, mais aussi de comprendre la manière dont, à partir d’une inquiétude maternelle, une protestation et une action collectives peuvent prendre forme dans la société russe actuelle. Plus qu’un îlot militant au milieu d’une société apathique, est ici mise en lumière une action protestataire d’un type différent, inscrite dans une architecture de la relation du citoyen à l’État en partie héritée de la période soviétique.

Anna Colin Lebedev porte un regard sensible sur la société russe contemporaine et sur l’intervention des femmes dans l’espace public russe. Elle invite également à une réflexion sur les formes prises par l’action collective dans des sociétés où
le militantisme et la protestation publique ne sont pas les modalités privilégiées d’interpellation de l’État. Elle donne enfin un éclairage sur l’évolution récente de ce qui fut jadis l’Armée rouge.


Valentina Melnikova, Anna Lebedev. Les petits soldats. Le combat des mères russes, Bayard, 2001.

Livre épuisé. Si vous souhaitez vous procurez un exemplaire, contactez-moi par mail.

Le naufrage du sous-marin russe, le Koursk, a été le révélateur du mépris dans lequel l’État et l’armée russes tiennent la vie des soldats. Ce drame n’est malheureusement qu’une goutte d’eau : chaque année, quatre à cinq mille jeunes appelés meurent de mauvais traitements dans les casernes russes, sans parler des dizaines de milliers de morts des guerres du Caucase, notamment en Tchétchénie.

Né pendant la guerre d’Afghanistan, le Comité des mères de soldats lutte pour connaître la vérité sur le sort des soldats russes et les aider à combattre les iniquités du système militaire. Valentina Melnikova, l’une des pionnières de cette aventure, la raconte ici pour la première fois, en exclusivité pour le public français. C’est le récit d’un combat de tous les jours contre des officiers intouchables et menteurs, contre des hommes politiques arrogants, parfois contre des médecins trop complaisants, le tout entrecoupé de lettres de jeunes soldats ou de leurs mères, témoignages souvent effroyables et toujours émouvants.

Sélection d’articles


Article : « D’une guerre à l’autre. Les vétérans d’Afghanistan dans le conflit armé dans le Donbass », in Revue d’études comparatives Est-Ouest, no 2, vol. 2, 2018, p. 65‑92.

L’article interroge l’impact de la guerre dans le Donbass sur un groupe spécifique : les vétérans ukrainiens de la guerre soviétique en Afghanistan. Comment un groupe ayant construit sa légitimité sur une expérience armée fait-il face à une nouvelle guerre, plusieurs décennies plus tard ? Après une présentation de l’insertion des vétérans d’Afghanistan dans la société ukrainienne, l’article cherche à répondre à trois questions : les anciens combattants ont-ils une place spécifique dans la guerre dans le Donbass ? La guerre transforme-t-elle le réseau solidaire et structuré des vétérans ? Quelle est la profondeur des clivages sociaux introduits par la guerre ?

Article : « La Protestation Postsoviétique et les Grammaires de L’action Collective. Une Comparaison Entre la Russie et L’Ukraine », in Revue d’études comparatives Est-Ouest, no 3‑4, vol. 48, 2017, p. 95‑124.

Quel éclairage la sociologie pragmatique peut-elle apporter à la compréhension de l’action collective et de la mobilisation ? A travers l’analyse de deux mouvements protestataires, la révolution du Maïdan en Ukraine en 2013-2014, et les manifestations de rue de 2011-2012 en Russie, cet article a pour ambition de reconsidérer l’architecture des mobilisations avec les catégories de la sociologie pragmatique. Il s’agit notamment de repérer dans ces mouvements collectifs la prégnance des liens du proche. Souvent négligée dans les approches classiques des mouvements sociaux, la mobilisation par attachement est particulièrement visible dans les sociétés postsoviétiques, où le lien civique est fragile.

Cette étude rend compte de l’émergence, de l’évolution et du rôle social des combattants du conflit armé dans le Donbass, acteurs nouveaux et centraux de la société ukrainienne apparus dans le contexte l’annexion de la Crimée et au début du conflit armé en 2014. Elle questionne le défi pour la sécurité de l’État posé par des groupes de citoyens armes dotés d’une grande autonomie et apporte des éléments de réponse sur l’ampleur du risque et sa prise en charge dans l’Ukraine de 2015-2016. En filigrane, l’étude éclaire eégalement les dynamiques d’engagement des civils dans un affrontement armé et le passage de la mobilisation politique à la mobilisation armée.

Chapitres dans des ouvrages collectifs


“From a mother’s worry to Soldiers’ Mothers’ action: building collective action on personal concerns”. In Alapuro, R., Mustajoki, A., Pesonen, P. (dir.). Understanding Russianness, London : Routledge, 2011

« Mémoire versus autonomie : le Comité des mères de soldats de Russie et la mémoire de la guerre en Tchétchénie », in Georges Mink, Pascal Bonnard (dir.), Le passé au présent – Gisements mémoriels et actions historicisantes en Europe centrale et orientale, Houdiard, Paris, 2010

“The test of reality : Understanding families’ tolerance regarding”mistreatment of conscripts in the Russian army” in Daucé, F., Sieca-Kozlowski, E. (dir.), Dedovshchina in the Post-Soviet Military: Hazing of Russian Army Conscripts in a Comparative Perspective, Ibidem-Verlag, Stuttgart, 2004

Rapport d’expertise


 Les combattants et les anciens combattants du Donbass : profil social, poids militaire et influence politique , Études de l’IRSEM, no 3, 2017.